Je
laisse ce texte en testament à tous les enfants de mes enfants, pour
qu’ils sachent ce qui nous est arrivé ; pour qu’ils se souviennent que
l’humain n’a pas toujours été forcé de vivre ainsi. Nous avons jusque-là
vécu comme nos pères, et les pères de nos pères, libres, heureux. Nous
ne connaissions pas le malheur, ne nous connaissions pas le tourment. La
vie était un fruit bien mûr que nous mordions à pleines dents, sans se
soucier du reste.
Mais le fruit est pourri à présent, et notre bonheur ne pouvait pas durer : rien ne dure ici-bas.
Ils
sont venus des profondeurs de la Terre, trop nombreux, trop forts, et
nous n’avons pas su les combattre. Ils sont venus des profondeurs de la
Terre, ils nous l’ont prise, et nous avons été forcés de partir. Ils
sont venus des profondeurs de la Terre, et ils étaient monstrueux, ces
rebuts de l’enfer.
Nous nous sommes terrés dans les grottes et
les cavernes, nous avons affronté les éléments pour ne pas les affronter
eux. Mais déjà, certains de nos meilleurs compagnons ont perdu la
raison. Cette vie les rend fou, ils sortent, ils s’en vont ; et on ne
les revoit pas. D’autres feront comme eux, d’autres disparaitront à
jamais dehors.
Moi je ne partirais pas. J’attendrais que le
froid de l’hiver ou l’été suffoquant ait raison de moi dans ma nouvelle
demeure souterraine, dans l’une de ces prisons de l’humanité. Mais quand
je mourrais, il faudra que quelqu’un se souvienne que cette Terre
dehors est à nous.
Ils
sont les premiers qui reviennent, les premiers depuis les siècles que
nous avons passés cachés ici. Ils sont les premiers que nous revoyons.
Ce n’était que des enfants, demis-frère et sœur, Sasori Ban et Nariaki
Guang. Aujourd’hui, nous ne savons plus ce qu’ils sont. Ils sont comme
eux, ce sont des monstres, ils n’ont plus d’âme. Mais ils sont avec
nous. Et si ces démons veulent les rallier à leur causes, ils semblent
bien décider à lutter contre eux de notre côté. Ils ont fondé Kibo no
Hikari, fait venir des humains de tous les continents, et ils se battent
pour la paix. Aujourd'hui, nous nous aventurons hors de nos
souterrains, et tous les Hommes libres mettent leur pierre au grand
édifice que nous construisons peu à peu pour rétablir l'ordre.
L’Ancien
l’avait écrit : cette Terre est à nous. C’est pour cela que je vais les
rejoindre. Je veux participer à la renaissance de notre monde, car je
sais qu’ils sont nombreux à œuvrer pour sa destruction…